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mardi 30 mai 2023

la propriété privée est-elle vraiment un droit inaliénable???

 


De nombreux textes insistent sur ce droit de propriété:

- la Charte des Droits Européens (article 17) : "Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu'elle a acquis légalement, de les utiliser, d'en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L'usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l'intérêt général. La propriété intellectuelle est protégée."

 
- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (article 17): "La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité."
 
- la Constitution Française ne fait pas explicitement mention de la propriété privée, mais dans sa version de 2008, il est dit (article 34 : "du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales"), que cet article (parmi d'autres) est protégé par la Loi Française. Et en effet on le retrouve dans les articles 544 et 545 du code civil: "La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité."
 
La propriété privée et les droits y afférant est donc largement plébiscitée.
Ce qui semble signifier qu'elle est constituante d'un droit humain et qu'elle ne peut être remise en cause dans son principe même. Ce qui est à moi est à moi, pas au autres, j'en fais ce que j'en veux et je le transmets à qui je veux. Elle est un des principes fondateurs du libéralisme économique.
 
La notion de Commun ou de Bien Commun 
n'existe donc pas?  
Petit rappel sur la définition d'un Commun: "Les Biens Communs, ou tout simplement Communs, sont des ressources (matérielles, naturelles ou immatérielles), gérées collectivement par une communauté, celle-ci établit des règles et une gouvernance dans le but de prendre soin, préserver et pérenniser cette ressource ensemble et en coopération. On peut définir les communs comme une ressource à partager plus les interactions sociales (économiques, culturelles et politiques) au sein de la communauté qui prend soin de cette ressource." - voir mon article ici pour plus de détails 
 
Hé bien non! en France ça n'existe pas au plan juridique ou constitutionnel, malgré la devise qui inclue la fraternité (donc le partage), la propriété privée, faut pas y toucher!
 
Est ce que ce fut toujours comme cela, comment est née la propriété, est-elle un instinct humain? 
 
La propriété privée a dû apparaître au néolithique avec la sédentarisation (agriculteurs-pasteurs, domestication des animaux, culture de la terre), peut-être avec les premiers villages. En effet les chasseurs-cueilleurs étant nomades, mis à part quelques outils qu'ils avaient en commun, rien n'appartenait à personne sinon au groupe.
Il en est de même chez les peuples premiers, où le concept de "propriété privée" est absent puisque les biens, collectifs par définition, ne sont pas liés aux personnes qui, d'ailleurs, ne se vivent pas comme des individus uniques et irremplaçables, mais comme les membres interchangeables d'une même unité sociale formée d'humains, d'esprits et des autres vivants - animaux et végétaux-  qui les environnent. 
Ce sentiment (instinct, besoin ou pulsion) d'appropriation est-il inné ou acquis? Les philosophes, anthropologues voire psychologues ne sont pas d'accord.
Disons que dans le cas où il n'aurait pas été inné, il serait temps d'en faire un non-acquis ou plutôt une remise en cause de cet acquis !
 Parce que là, on se heurte à l'argent!
Hé oui, tout ce qu'on possède (MON véhicule, MA maison, MA perçeuse, MA machine à laver, MON entreprise) a une valeur. On l'a acheté avec de l'argent qu'on a gagné (en travaillant mais aussi en en héritant) donc c'est supposé être à nous (que dis-je à MOI!).
La notion de partage est présente certes, mais parce que le possesseur daigne le prêter ou le donner (si il n'en a pas besoin, mais il préfère alors le vendre!).
Vous me direz, on est dans un système comme ça. Et on peine à le remettre en cause tant il nous semble naturel. Et plus on possède de biens nous appartenant et donc plus d'argent, plus on est puissant. Ah la puissance, cette peur d'être dominés!
 
    Faisons un pas de côté
Imaginons un monde où la propriété privée n'existe pas (ou plus). Serait-on vraiment malheureux? Pourrait-on mettre en commun les biens ET l'argent ? Vous savez le revenu universel qui permet de vivre sa vie sans devoir la gagner à la sueur de son front (sauf si c'est choisi), j'en ai déjà parlé maintes et maintes fois!
Pourrait-on dépasser le vieux tryptique "usus, fructus et abusus":  
- l'usus, étant une sorte de jouissance qui consiste à retirer personnellement — individuellement ou par sa famille — l'utilité (ou le plaisir) que peut procurer un bien que l'on possède.
-  Le fructus, étant aussi une jouissance mais issue du droit de percevoir les revenus du bien (l'argent). 
- L'abusus permet au propriétaire de disposer de la chose soit en la consommant, soit  en la détruisant, soit par des actes juridiques, en l'aliénant.
 
Or, dès lors que l'on se trouve en situation de rareté, se pose un problème incontournable  : celui d'arbitrer la compétition que les hommes se livrent entre eux pour accéder au contrôle et à l'usage de ressources rares ou enviées par tous. Voire la jouissance d'en avoir plus que l'autre...
On retrouve là cette notion terrible de compétition, qui s'oppose à celle de coopération.
Revenons à la simple notion de bonheur de vivre: 
- est-on plus heureux en voulant surpasser l'autre ou bien en mettant en pratique le 3ème élément du tryptique français: la fraternité?
-est-on plus heureux en possédant SA perçeuse (qu'on n'utilise qu'une fois par an) ou en la partageant avec tous ceux qui en ont besoin? 
-est-on plus heureux en se goinfrant, ou en partageant un bon repas préparé avec amour?
-est-on plus heureux en entassant de l'argent pour se livrer à nos plaisirs égoïstes ou en en faisant profiter notre entourage (voire plus large que ses amis proches ou sa propre famille-clan)?

En parlant de la perçeuse, je vous donne un exemple vécu qui rend heureux : entre voisins de péniches, nous avons besoin selon la norme (rarement!) d'une moto-pompe de cale. Nous l'avons achetée en commun. L'un de nous la stocke et elle est à disposition des autres. On en prend tous soin quand on l'utilise pour qu'elle marche bien pour le suivant. On est heureux quand l'un de nous l'utilise pour vider sa cale ou arroser ses plantations avec l'eau du Rhône. C'est même l'occasion de faire une fête et de nous arroser ensemble en riant !
Pas de compétition, pas de sentiment de possession de la moto-pompe (sinon son appartenance à un groupe). C'est une propriété collective.

Et voilà le maître mot: le Collectif! Si nous avions plus largement ce sens (qui celui-ci est inné) du Collectif, on serait plus heureux et le propriétarisme battrait de l'aile.

Pour aller plus loin
Pour aller plus loin (bien plus loin!) je vous conseille le livre Eutopia (c'est un roman, un peu long mais facile à lire). Le sujet en est justement la fin du "propriétarisme". Ce livre va loin car il ne se contente pas d'appliquer le principe du Commun aux biens et services, mais aussi à la famille et aux enfants. Ça m'a tourneboulé je dois avouer. On a tellement l'habitude de parler de MA famille, MES enfants...
Je n'en dis pas plus, lisez-le et dites moi ce que vous en pensez.
Et n'oubliez pas: "l'utopie est une vérité anticipée" !!!



 
 

2 commentaires:

  1. Qu'on se réserve par l'achat le seul droit d'utiliser un produit, ou par ex. de vivre dans une maison, je suis d'accord, mais ce droit d'usage à vie ne dois pas être héritable, et encore moins rapporter de la valeur (intérêt ou dividende).
    C'est cette propriété (à travers la bourse), qui depuis 46 ans a doublé tous les 8 ans.
    https://lejustenecessaire.wordpress.com/2024/04/05/economie-circulaire-et-capitalisme-incompatible/
    C'est pour rémunérer ce capital qu'on saccage la planète.

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