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dimanche 10 novembre 2019

Pour construire un autre monde, il faut se désintoxiquer de celui-ci!

Se désintoxiquer, chacun sait combien c'est difficile. Il faut de la volonté, parfois accepter de se faire aider, pour sortir de l'addiction. On connait bien cela au niveau des drogues, de l'alcool, du tabac. Mais si je vous dis que la consommation est une addiction, vous allez rire! Et pourtant...



 La consommation baisse
J'aurais tendance à m'en réjouir. Mais quels en sont les facteurs?

•1er facteur, un choix délibéré: un nombre de plus en plus important d'actifs, souvent aux salaires élevés, quittent leur travail à cause du "manque de sens". Une petite parenthèse sur le mot sens qui est devenu un mot valise aujourd'hui semble nécessaire: "Raison d'être, valeur, finalité de quelque chose, ce qui le justifie et l'explique : donner un sens à son existence" (Larousse). 
Ce choix d'un autre travail souvent moins rémunérateur, les rend heureux tout simplement, avec le sentiment de faire quelque chose d'utile, de se réaliser, d'être fier. 
Ce sont majoritairement des jeunes, moins englués dans le système de vie normatif métro-boulot-dodo qui appelle une  compensation, la consommation comme dérivatif.
Je travaille pour gagner de l'argent qui me permettra de consommer et donc d'oublier que je travaille essentiellement pour gagner de l'argent...
Triste, non?
C'est sans doute la raison pour laquelle ces travailleurs déprimés, malgré leur salaire élevé, cherchent à sortir de la tristesse de cette société capitaliste et productiviste fondée sur la croissance, le toujours plus, où le triptyque travail-argent-consommation sont les références absolues. 
Cette désintoxication qui permet de prendre de la distance par rapport à l'argent-référence-absolue, leur fait découvrir (et apprécier) les joies de la sobriété...
Et du coup la consommation baisse.

• 2ème facteur, choix délibéré aussi:
Depuis quelques années on assiste à un fort développement, notamment via les plateformes en ligne, de vente et achat de produits d'occasion, comme les vêtements, les jeux et jouets, le mobilier etc... Une prise de conscience est née du gâchis représenté par des achats qui n'ont qu'une durée de vie et d'attraction limitées...
Et du coup la consommation baisse


• 3ème facteur, choix imposé:
Les inégalités sont de plus en plus importantes entre les "super-riches" et les revenus moyens*. Or un super-riche ne pourra développer son niveau de consommation au delà d'un certain niveau de dépenses (riche ou pauvre, on ne peut manger que 3 fois par jour et la langouste tous les jours ça peut devenir lassant!!!). Si on compte sur les revenus moyens (le revenu moyen en France pour 90% des français est de 1 740€), ils ont du mal à joindre les deux bouts en fin de mois... Souvent leurs besoins de base sont mal satisfaits. Pour ceux-là, il ne s'agit pas de sur-consommation, mais de choix de non consommation imposé.


Le sevrage consommatoire, choisi ou imposé a donc démarré.
Derrière cette baisse de la consommation, pointe la décroissance et une vie plus simple, une vie choisie, un pouvoir de vivre et non un pouvoir d'achat ! 
Devenons résilients et sobres, le bouleversement climatique nous y contraint, qu'on le veuille ou non. Et pour autant, cette addiction dépassée, on n'en sera pas moins heureux.

Mais voilà!
Oui mais voilà, comme dirait ma voisine, "c'est bien beau tout ça Geneviève, mais il faut bien travailler pour vivre ! Or, si les entreprises disparaissent parce qu'on n'achète plus leurs produits, et si on remet en cause la croissance qui permet de faire prospérer ces entreprises, ce sont des milliers d'emplois qui seront supprimés. Et après, sans travail, comment feront nous pour gagner l'argent qui nous fait vivre, hein?"
Allez, un autre exemple complémentaire, une copine cette fois, qui a une petite boutique de prêt à porter féminin. Elle en bave en ce moment. Les clientes achètent moins, donc moins de chiffre d'affaires alors que ses charges sont constantes voire en hausse. La marge dégagée ne permet plus qu'elle se paye un salaire. Alors elle songe à fermer la boutique, pas par choix, mais par nécessité.

Elle est pleine de bon sens ma voisine et je comprends aussi ma copine !
Dans le système actuel, pas moyen d'y échapper : il faut consommer pour faire gagner de l'argent aux entreprises qui permettent de nous donner du travail donc des sous. Entreprises qui de leur côté sont condamnées à être compétitives ou disparaître au profit d'autres entreprises,  plus grandes, avec des systèmes plus automatisés ou des salaires plus bas qui permettent de vendre toujours plus de produits  toujours moins chers...
Elles ont raison ma voisine et ma copine. En effet si on arrête cette addiction de consommer, si la croissance** devient nulle, le commerce va péricliter (oh pardon on dit maintenant "le marché" mais c'est pareil, c'est du commerce!) et le chômage va grandir. 
Bon allez d'accord on ne va pas consommer QUE des produits de première nécessité. On peut se donner de temps en temps la permission de se faire plaisir avec un truc qu'on achète, qui ne sert à rien et qu'on aura oublié quelques jours après. Mais promis, on n'entre pas dans le système du "toujours plus"!   
Or si le commerce périclite, les entreprises n'emploieront plus de salariés. Donc il y aura du chômage et de la misère. CQFD apparemment!

Ma voisine et ma copine ne voient pas bien comment ça peut changer tout ça.

Quelques pistes
Je n'ai pas de solution toute faite, mais quelques pistes qu'il serait bon de mettre en application, sachant que ça peut prendre du temps ce changement de société.
D'abord, se dés-addicter. Ça c'est du registre de tout le monde et ça s'appelle la résilience. Prendre conscience que notre mode de vie d'occidentaux est incompatible avec la préservation de la planète et la notion d'égalité. On peut le mettre en pratique simplement, en cessant de consommer ce qui n'est pas utile, en cessant de jeter ce qu'on trouve un peu usé ou plus à la mode, en cessant de désirer acquérir toujours des nouveautés, même sans intérêt. Bref, en revenant à une vie plus sobre, plus simple et plus vraie.
Et être heureux!
• Ensuite participer au changement du système dans lequel nous sommes englués, en découvrant comment on continue à vivre heureux sans cette dictature de l'emploi forcé qui est censée tout justifier.

Pour cela, quatre idées pour s'engager dans ce changement et tel le colibri, faire sa part : 

--> prôner le revenu d'existence universel et sans contrepartieUne solution simple et évidente pour ne plus avoir à gagner sa vie mais vivre sa vie. Comment le financer me direz-vous? De l'argent, il y en a, plein! Mais il est mal utilisé et mal réparti. Un exemple proposé par ATTAC il y a 20 ans: taxer les transactions financières au profit des états. D'après les études de ATTAC, une taxe sur les transactions appliquée globalement à un taux de 0,05 % pourrait rapporter entre 447 et 1022 milliards de dollars par an.
Un autre exemple, limiter les revenus à 20 fois le SMIC et taxer fortement les plus gros revenus (à 79% comme aux USA en 1936 sous Roosevelt avec son New Deal). 
On pourrait alors redistribuer cet argent pour financer ce revenu d'existence.
Et être heureux! 
-->s'opposer à l'appât du gain des grandes entreprises et leurs actionnaires. Ce n'est pas toujours évident certes, mais il existe des mouvements et associations qui luttent contre ces entreprises, principalement les grosses multinationales, néfastes à la planète, qui ne pensent qu'à augmenter encore et encore leurs bénéfices, quitte à détourner les lois à leur profit ou à créer des "fondations" derrière lesquelles elle cachent leurs appétits. Au niveau de chacun, ne pas consommer les produits de ces entreprises est simple. Le pouvoir du consommateur dans une économie fondée sur le marché, est énorme (voir la plateforme participative I-Buycott), utilisons-le.
--> Se réapproprier l'organisation et la gestion de nos sociétés à travers une implication de tous.tes les citoyens.nes dans la politique au sens étymologique du terme "qui concerne le citoyen". Le municipalisme est l'une de ses formes en prônant la démocratie directe, ce qui évite d'avoir à subir les décisions des gouvernements sur les priorités budgétaires en faveur d'entreprises nuisibles.
--> Accepter de refuser ou de quitter (quand on le peut ce qui n'est pas facile en l'absence de revenu d'existence !) un emploi qui n'a pas d'utilité, voire est néfaste.
--> Défendre les services publics : éducation, culture, santé, mobilité... car eux ils sont utiles à tout le monde, en soutenant la part du budget de l'État qui leur est attribuée.
--> Aider les commerces et petites entreprises locaux à se développer en les préférant aux produits manufacturés venus de l'autre bout du monde
--> Mettre en commun des biens qu'on peut utiliser à plusieurs et en prendre soin ensemble. Cela va du jardin partagé en passant par des équipements dont on n'a pas besoin tous les jours (l'outillage par exemple) et pourquoi pas les logements, les terres cultivables... (cf l'article sur les Communs)


Oui, sur-consommer*** est  une addiction que l'on nous fait prendre pour une nécessité. C'est faux! Ce n'est ni utile, ni une fatalité. Et cela ne rend pas heureux. 
Pour construire un autre monde, pensons au Bien Commun, désintoxiquons-nous!


* 90% des Français gagnent en moyenne 1 740 euros bruts par mois, quand un riche gagne en moyenne 12 137, soit déjà un rapport de 1 à 7. Ce rapport monte à 1 pour 18 avec les très riches et à 1 pour 62 pour les hyper-riches dont le revenu mensuel est proche de 110 000 euros.  (source rapport de l'Observatoire des inégalités)

** Croissance = somme des valeurs ajoutées qui constituent le PIB d'un pays. Cette valeur ajoutée est créé par le travail, quel qu'il soit. Ainsi, des évènements destructeurs (catastrophes naturelles, guerres, accidents), par le fait qu'ils nécessitent une valeur ajoutée par le travail de reconstruction, sont des facteurs positifs de développement de la croissance...  
 *** J'entends par sur-consommation ce qui n'est pas du registre de la "vie bonne" (Paul Ricoeur) ou du Buen Vivir. Cette analyse s'applique aux pays occidentaux sur-consommateurs (de biens transformés, d'énergie, de matières premières)

3 commentaires:

  1. Je suis complètement d'accord avec toi et sur les pistes que tu suggères. et je sais que tu es très actives dans les différents mouvements sur ce sujet (et bien d'autres, personne ne remet en cause tes engagements qui sont réels et sincères). Juste un détail, mets-tu en accord tes dires et tes actes? Je pense à tes voyages en 4X4 dans le désert. Allez, raconte ta démarche !
    André

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  2. Tu as raison de soulever cette question, André. En effet, chaque année, je vais me ressourcer dans le désert avec quelques amis (quand le ministère des affaires étrangères nous le permet car nous allons au fin fond de rien, cette année dans le Tadrart). Nous y allons en 4X4, seul moyen de parcourir ces vastes étendues en étant autonomes. Nous en profitons pour transporter du matériel scolaire aux écoles du désert qui sont en général ravitaillées par... les corbeaux. Nous connaissons bien les maitres d'école, nous savons ce dont ils ont besoin. Mais bon, c'est histoire de lier l'utile à l'agréable. Oui, le 4X4 est polluant. Oui, le mien ne sert qu'à ça. Mais oui, ce voyage annuel est pour moi important, voire nécessaire. Bon j'arrête de me justifier, mais puisque tu me l'as demandé, j'ai raconté ma démarche ! bises André!

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  3. Ce changement de nos habitudes de vie, c'est bien en effet, mais le système capitalistico-financier ne va pas se laisser faire! la convergence des luttes est seule capable de faire plier ce système qui utilise tous les subterfuges possibles (comme le green ou le social washing) pour nous faire croire qu'il faut continuer comme ça et qu'il faut leur faire confiance!

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